Jour J+12:
Camp 3 - Sommet (6962m) - Camp 3
 
4 heure du matin. Contre toute attente, les guides nous réveillent, nous avons notre créneau méteo.Il fait grand beau! Incroyable, j'ai en fait dormi toute la nuit. Je suis sans doute le seul du groupe à avoir eu cette chance. Je me sens même reposé et je n'ai pas mal à la tête pour la premiere fois depuis l'arrivée au camp de base! Pourtant avec l'altitude et la surpopulation dans mon duvet cela relève de l'exploit.
J'ai dormis comme les autres avec les chaussons de mes chaussures, mon eau et ma bouteille de pipi pleine. En effet il a fait -15 dans la tente et tout materiel gelé sera inutilisable par la suite, bouteille a pipi comprise! Il nous faut une bonne heure seulement pour nous habiller. La encore être accompagné par des guides fait une différence énorme au niveau timing. A notre grande surprise les chaufferette chimiques conservées pour le jour J ne semblent pas vouloir fonctionner sans doute à cause du manque d'oxygène. Nous partons "leger" car nous portons en fait tous nos vetements. J'ai dans mon sac seulement l'appareil photo et mon thermos. Les barres, gel et la gourdes sont directement sur nous pour les empecher des geler. J'ai aussi sur moi depuis quelques jours un double de batteries au chaud mais je sais bien que si il fait trop froid je ne pourrai pas enlever mes mouffles pour changer les batteries de l'appareil photo.
Au départ il ne fait pas si froid, sans doute -20 mais c'est beaucoup plus supportable que les -18 de la préparation car le temps est extremement sec ici.
 
A 9h30 nous arrivons au refuge Independencia (6370m), le plus haut "refuge" du monde, en fait une sorte de grosse niche éventrée. Les guides me demandent régulièrement si je vais bien et si je ne veux pas faire demi-tour. Hier soir comme tous les soir ils ont mesuré nos saturation en oxygène pour s'assurer que nous ne ferons pas un MAM mais ils se sont bien garder de donner leurs pronostiques sur nos chances individuelles d'atteindre le sommet. Je comprend à leur questions que je suis pour le moment un "miraculé". Il n'en ai malheureusement pas de même pour Francois et Steffan. Steffan qui sont forcés de faire demi tour avec Juan I. Francois parce qu'il a trop froid et Stefan parce qu'il ne parvient pas a suivre le rythme (ce qui veut dire qu'il fait sans doute une petite dizaine de metres de moins que nos 100m/heure de moyenne).
A partir de maintenant nous somme 5 clients et un guide ce qui veut dire que nous arriverons tous ensemble au sommet ou aucun de nous. Renoncer est tres dur pour Stefan et Francois car c'est abdiquer apres un été de préparation et 10 jours ici uniquement tournés vers aujourd'hui jour du sommet.
 
A 12h30 nous atteignons le bas da la canaleta (6660m), le célèbre "couloir" sous le sommet. C'est un éboulis assez rédouté car physiquement très dur à remonter avec l'altitude. Pour nous en ce début de saison, ce sera plutôt une "délivrance" car il reste un peu de neige et nous pouvons chausser nos crampons. La cohésion du groupe est assez forte mais il est difficile de dire si l'entraide vient de la volonté de chacun d'arriver au sommet avec les autres ou de la volonté de chacun de ne surtout pas avoir à redescendre à cause de l'un de nous qui "flancherait". La encore la presence d'un guide, "seul maître à bord" est à mon avis des plus utile en cas d'abandon.
Un français en autonomie c'est joint à nous depuis le camp de base. Nos guides ne sont pas chien, il le laisse nous suivre.
 
15h30, nous atteignons le sommet, suivis de pres par les nuages. Ca y est nous y sommes. Je ne suis pas aussi émus que ce que je pensais l'être. Je suis seulement là, même si cela tient sans doute du miracle pour moi, je suis sans doute trop fatigué pour vraiment réaliser que je suis en haut. Nous avons juste le temps de faire quelques photos avant que le mauvais temps ne nous rattrape. C'est le plus gros regret de l'expé: arriver sur les toit de l'Amerique et ne pas avoir le temps de profiter du paysage avant le mauvais temps. Nous sommes pris par le brouillard (peut être bien des nuages à cette altitude!!!) et nous devons redescendre. Je n'ai pas vraiment pris le temps de regarder autour de moi pendant la montée non plus car la règle est de ne pas s'arreter pour ne pas être tenté de ne pas repartir.
 
La redescente me parait bien plus longue que la montée. Nous sommes pris dans une petite tempête de neige. Rien de bien méchant au niveau température si ce n'est que tres rapidement on se retrouve dans un immonde jour blanc. Le metier des guide parle de lui même, ils nous ramènent à bon port alors que pour nous tous les pierriers se resemblent et la neige a fait apparaitre un nombre de sentes insoupsonné à la montée.
Nous retrouvons le français qui nous a suivi à la montée jusqu'au début de la canaleta. Perdu dans le jour blanc il s'est arrété à Independencia et se préparait à passer la nuit là quand ils nous a entendu parler dans le brouillard. Pour nous la présence des guide ramène l'evenement tempête de neige à la simple anécdote, pour lui elle aurait pu se ramener à une nuit à 6400m, soit les mains et pieds gelés au mieux.
Nous arrivons au camp de base à 19h30. Avec Jeff nous nous couchons alongeons tout habillés chaussures comprises dans la tente, trop contents d'être de retour au camp de base pour souffler un peu.
Juan I. passe récuperer nos gamelles un peu plus tard pour le repas du soir et à sa grande suprise nous sommes toujours couchés sur le dos comme deux tortues, impossible de nous relever, nous avons tous les deux des crampes terribles dans le cou et les deltoides. Impossible de bouger. Le guide se marre bien, nous avons sans doute trop regarder nos pieds toute la journée. Il nous file des anti-inflamatoires pour la nuit. Moi j'ai déjà mon stock pour le dos et je me prend aussi un décontractant musculaire, Jeff refuse de peur de faire de l'apnée du someil lui aussi.
Jeff tente de finir son repas avec un des babibels qu'il a gardé pour l'occasion mais c'est peine perdu. Il aurait largement atteint l'état surgélation de mon thermometre.